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Nord-Pas-de-Calais

mercredi 9 août 2006.

Par Ange Kongo Konde

L’AUTEUR

ANGE KONGO KONDE a 25 ans, il est en dernière année à l’école Polytechnique de l’université de Lille. Il est président de l’association des étudiants congolais de Lille.
J’ai choisi ce sujet pour essayer d’obtenir des réponses aux multiples questions que je me pose sur les inhibitions que subissent ou non les enfants issus de l’immigration face au savoir et au monde du travail, suite aux discriminations qu’auraient subi leurs parents. En particulier dans la communauté congolaise que je connais bien et où le poids des aînés est fort

SES MOTIVATIONS

Dans le cadre de cet état des lieux des discriminations initié par Animafac, je viens poser une thèse que je me chargerai de confirmer ou d’infirmer en répondant à un certain nombre de questions.
Je voudrais, par ce reportage, lever des interrogations et zones d’ombre personnelles que j’ai découvertes communes lorsque j’ai rencontré les autres associations participant au projet.
En effet, suite à diverses discussions avec des parents de la communauté congolaise, et en lien avec les discriminations - principalement dans l’emploi -, j’ai décidé de me consacrer à un sujet dont j’entends peu parler : la transmission des inhibitions face au savoir d’une génération sur l’autre. Je ressens le besoin profond d’établir un lien possible entre les traitements discriminants qu’auraient pu subir les parents lors de leur intégration en France et les conséquences que cela pourrait avoir sur l’orientation scolaire et/ou professionnelle des enfants.
Dans la société congolaise, les parents ont toujours eu une influence prépondérante dans l’éducation de leurs enfants. C’est, certes, le cas partout ailleurs. Mais eux interviennent plus sur l’orientation scolaire et professionnelle de leurs filles et fils. Un adage de chez nous dit : “ Si un enfant est mal éduqué, c’est la mère qu’il faut blâmer. ”
Le plus souvent ces mères travaillent pour subvenir aux besoins de la famille. La majorité d’entre elles travaille en tant que femmes de chambre, agents de propreté et, emplois à la mode aujourd’hui, en tant qu’auxiliaires de vie, aide-soignantes ou infirmières. Faute de mieux, ces femmes qui ont beaucoup de diplômes et sont capables d’occuper de hautes fonctions, se cantonnent et s’accrochent à ce qui représente une bouée de sauvetage pour répondre aux besoins les plus élémentaires de la vie. Je ne minimise pas le métier qu’elles font, je le trouve plutôt non valorisant par rapport aux capacités qu’elles peuvent avoir.
Ces expériences ne restent pas “ mortes ”, elles sont transmises aux enfants. Serait-ce pour les encourager à faire mieux ? Très souvent, l’exemple “ d’en haut ” est suivi. Ils font comme leurs parents...
En même temps, l’absence de ces parents qui travaillent pour nourrir leur famille, pose une autre question : celle de l’école comme lieu de sociabilité et d’apprentissage, qui complèterait ou remplacerait le rôle de la famille.
Ainsi je me pose la question de savoir si des discriminations subies par les parents n’iraient pas jusqu’à orienter et/ou étouffer les capacités intellectuelles de ces filles et fils.
Pour y répondre, je suis allé interroger un père, de surcroît chef d’entreprise, et me suis ensuite tourné vers le regard des enfants, en mettant par écrit les phénomènes que j’ai pu observer.

ENTRETIEN AVEC JEAN NGANDU, PÈRE ET CHEF D’ENTREPRISE

Pourriez-vous vous présenter ?
Je m’appelle M. Jean. Je suis marié et père de quatre enfants dont le premier a 15 ans. Je suis chef d’entreprise depuis quelques d’années. Et les affaires marchent ! (rire)
Racontez un peu vos débuts. Est-ce facile de réussir en tant qu’étranger et noir ?
C’est vrai que ce n’était pas facile, et ça ne l’est toujours pas, mais avec beaucoup plus de volonté... On y arrive en dépit des embûches et de tous les problèmes que l’on peut rencontrer. Mais je dois avouer que je fournis beaucoup plus d’efforts pour rester compétitif dans un domaine aujourd’hui saturé.
Quel genre de difficultés avez-vous rencontrées ? Est-ce plutôt lié au domaine d’activité ou à un autre facteur que l’on ne maîtrise pas très bien ?
Il faut dire que dans les années 1995, c’était d’autant plus compliqué que l’on était “ étranger et noir. ”
Vous avez donc été discriminé ?
Je n’irai pas jusque là.... Je trouve le mot trop fort.
Comment définissez-vous le mot “ discrimination ” ?
Pour moi, c’est le fait de mettre une personne à l’écart à cause de son appartenance raciale, ethnique, culturelle...
Le Robert donne à peu près la même définition du mot !
Dans ce sens là ... (rire) Suffisamment, je crois.
Vos enfants doivent être déjà au collège, du moins pour les deux premiers. C’est l’âge de choisir une orientation scolaire et professionnelle...
Oui, bien sûr... Je leur laisse le choix, mais je ne veux pas de footballeur (rire). Je crois que les études permettent de faire la différence et surtout d’avoir un esprit critique par rapport aux divers événements. Je les encourage et je crois bien que c’est mon travail de père. Si je n’avais pas été à l’école, je n’aurais peut-être pas ce que j’ai aujourd’hui, peut-être pas la vie que je leur donne aujourd’hui.
Dans une étape charnière où les actes discriminatoires défrayent la chronique, pensez-vous que vos enfants puissent réussir aussi bien que n’importe quel enfant dans ce pays ?
Nous avons connu la “ discrimination ” dans le passé et aujourd’hui encore. J’ai de l’espoir : j’ai réussi, alors pourquoi pas eux. Il suffit d’une certaine rigueur. Ils sont Français mes enfants, ils réussiront.
Vous n’avez pas peur que cela oriente le parcours scolaire et peut être professionnel de vos enfants ?
Contrairement à d’autres parents qui poussent leurs enfants à faire des formations rapides ou plutôt de plus courtes études (infirmière, aide-soignante, menuisier et j’en passe...), j’encourage mes enfants à aller le plus loin possible dans leurs études. Je leur apprends à être battants, à ne pas baisser les bras devant adversité.
Vous êtes un papa modèle...
Si tu le dis !
À ce sujet, pensez-vous que les mentalités ont évolué ? Les choses ont très peu évolué et le problème reste bien réel et présent... puisque tu en parles.
Pour finir, que pensez-vous de cette initiative ?
Je salue cette initiative, je la trouve importante et incontournable pour trouver des solutions. Je sais que des mouvements timides naissent à Lille. Tu as sûrement entendu parler de “ la cellule de réflexion ” sur le problème. Mais une volonté politique doit emboîter les pas.
Vous êtes Français ?
Oui, je le suis.

REGARDS D’ENFANTS

Le regard de l’enfant sur la situation de chômage, de mise à l’écart des parents accentue les interrogations. En général, les parents ont toujours été un exemple pour leurs enfants. Et logiquement quand on voit son père ou sa mère exclu d’un certain service, qu’on le sait discriminé, une frustration naît. Elle entraîne un enfermement, un conditionnement, une vision restreinte des professions et surtout de celles exercées par les parents discriminés. La question que se posent inconsciemment ces enfants est : réussirai-je à percer là où mes parents ont rencontré tant de difficultés ?
Certains pensent que ce serait une revanche à prendre ou une source de motivation pour aller plus loin, mais les faits ont montré, dans la communauté congolaise, que ces enfants se sont orientés vers des filières qui n’équivalent généralement pas leurs capacités intellectuelles. On retrouve proportionnellement beaucoup plus d’enfants de “ minorité visibles ” (pour ne pas dire issus de l’immigration), dans des domaines sans qualification.
Je ne voudrais pas établir, ici, une comparaison entre communautés, car à mes yeux cela équivaudrait à se complaire dans la situation. Mais selon ce que j’observe de la communauté congolaise, la proportion est simplement flagrante.

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  • : Bienvenue! Jeune Congolais. A ceux qui disent que nous sommes le futur, nous répondons que nous sommes le présent. Informons-nous et échangeons pour bâtir un CONGO fort. "La sagesse ne doit plus être l'apanage de vieux."
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